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Département de Géographie

École normale supérieure

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Une prise en compte différenciée du logement social selon les projets urbains et les quartiers ciblés


Rénover les grands quartiers sociaux périphériques : désenclavement et réduction de la part de logement social

Pour assurer un développement équilibré du parc locatif social tout en garantissant l’attractivité du cœur de la métropole, des dispositifs territorialisés sont mis en place dans les quartiers où l’écrasante majorité des logements sont des logements sociaux. L’objectif de mixité sociale et de dynamisation de ces quartiers en difficulté passe par deux procédés : d’une part, réduire la proportion du logement social, et d’autre part, améliorer l’attractivité du quartier en développant l’offre de transports et de commerces. 

Les Grands Projets de Ville sont des projets qui s’inscrivent dans le cadre des Contrats Urbains de Cohésion sociale (CUCS) et qui visent au désenclavement de ces quartiers en difficulté par une action centrée principalement sur le bâti et sur l’accessibilité. Ainsi, le Grand Projet de Ville de la Duchère, commencé en 2003, vise à ramener la proportion de logements sociaux de 80 à 55% : sur les 742 logements détruits (2003-2012), seuls 194 sont reconstruits sur le site, les autres l’étant dans le reste de la commune. La revalorisation de l’habitat et du cadre de vie passe ainsi par des rénovations et par une diversification du parc de logements. L’attractivité du quartier est également favorisée par des aménagements ne touchant pas au bâti mais aux équipements et aux voies de communication : une revalorisation du parc du Vallon et de nouveaux aménagements sont prévus afin de rétablir une mobilité piétonne tandis que le boulevard est-ouest reliant le vallon des Cerisiers au versant des Balmes rétablit une liaison avec les quartiers voisins.

Dans la ZUS de Mermoz comme à La Duchère, l’objectif est de transformer l’espace urbain pour limiter la stigmatisation et de mettre fin, à terme, aux différents dispositifs mis en place dans ces quartiers. Aussi l’aide financière fournie à Mermoz dans le cadre du Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) est temporaire. Des opérations de démolition-reconstruction doivent permettre de réduire la proportion de logements sociaux à 25% à Mermoz Nord. Les 75% logements restants seront proposés en accession à la propriété. L’opération vise aussi à maintenir dans le quartier Sud l’intégralité des logements sociaux, soit 100% du parc, pour une moyenne de 55% de logements sociaux. Ainsi, à l’échelle du 8ème arrondissement, la part du logement social restera constante. Le changement d’image du quartier passe aussi par le GPV « Entrée Est » qui cherche à désenclaver le quartier par la destruction de l’autopont qui le traversait, par la requalification de la voirie pour limiter la circulation et par la réhabilitation des commerces et des paysages urbains.  

 

Le projet urbain « Entrée Est » : désenclavement, requalification et rééquilibrage du quartier Mermoz à Lyon (© Florence Chilaud)

 

Créer ou renforcer les centralités : bâtir de nouveaux quartiers en intégrant des logements sociaux

Mermoz et La Duchère occupent des positions périphériques à l’échelle de la ville. Cet éloignement est combiné à une proportion très élevée de logement social, source de marginalisation. Au contraire, les quartiers Confluence et la ZAC des Gratte-Ciel constituent plutôt des centres géographiques respectivement à Lyon et à Villeurbanne, dont ils jouxtent les centres-villes. Le renouvellement urbain dans ces quartiers au bâti ancien et peu dense vise avant tout à renforcer le cœur de ville et leur centralité économique. Il vise aussi à développer des espaces mixtes habitat-activités qui soient attractifs. Ces espaces bénéficient par conséquent d’un marketing urbain important de la part des pouvoirs publics.

Le quartier de Lyon-Confluence, zone de friches et d’anciens logements dégradés, a été réinvesti depuis les années 2000 via un grand projet de prolongement du cœur du 2ème arrondissement au-delà de la gare de Perrache et de l’autoroute A6, qui faisaient rupture avec la pointe sud de l’île. Ce GPV inclut notamment l’arrivée du tram, l’édification d’un grand complexe de culture et de loisirs, la construction de nouveaux logements et plus généralement la création d’un nouveau quartier qui se veut attractif et mixte. Sur l’ensemble du quartier, 25% de logements sociaux sont prévus, de tous types (PLAI, PLUS et PLS). La mixité sociale a d’abord été pensée à l’échelle du quartier : dans la première phase du projet, certains immeubles sont destinés au logement social, d’autres sont en accession à la propriété privée, d’autres encore sont libres. Lors du lancement de la seconde phase du projet urbain, la mixité sociale est pensée à une plus grande échelle : les locataires du parc social côtoient ceux du parc privé et des propriétaires occupants, dans un même immeuble.

 

Les nouveaux logements privés et sociaux de Confluence,
sur la presqu’île de Lyon (© Laure Voileau)
 

À Villeurbanne, la municipalité souhaite étendre le centre-ville des Gratte-ciel vers le nord-ouest, tout en respectant l’originalité du bâti hérité de l’entre-deux-guerres, afin de conforter Villeurbanne comme un centre de l’agglomération lyonnaise. Ce projet inclut des logements de tous types, des bureaux, des commerces. Les nouveaux logements comprendront 30% de logements sociaux, dans une logique de maintien de l’équilibre puisque Villeurbanne affiche un taux proche de 25%. Ils seront construits dans le prolongement des deux rangées des « grattes-ciels » du centre historique, qui font l’objet d’une gestion patrimoniale. Cette opération représente un exemple assez rare de logements sociaux très fortement valorisés sur le plan symbolique, qui contraste d’ailleurs avec l’absence totale de patrimonialisation du secteur adjacent (autour du lycée Pierre Brossolette) qui va être rasé pour accueillir les nouveaux immeubles du GPV.

Des habitations aux habitants : quelles politiques de relogement pour quelle mixité sociale ?

La politique d’équilibre qui tend à instaurer un quota de 20 à 30% de logements sociaux partout dans Lyon et Villeurbanne se traduit donc par l’arrivée de nouveaux habitants mais aussi par des transferts de population d’un quartier à l’autre. Or, la démolition des logements sociaux et leur reconstruction hors site obligent une partie des habitants à être relogés ailleurs dans le parc social, sans qu’ils maîtrisent réellement ni les conditions de leur départ ni les modalités de leur arrivée dans un nouveau quartier. Le relogement peut être d’autant plus problématique que les familles concernées sont dans des situations précaires.

Des dispositifs d’accompagnement sont mis en place par les bailleurs ou par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (organisme étatique qui gère les quartiers inclus dans le PNRU) qui met en avant des « engagements qualitatifs » sur son site officiel. Par exemple, dans la ZAC Gratte-Ciel Nord, la Communauté urbaine de Lyon et la ville de Villeurbanne ont mis en place des aides forfaitaires pour les frais de déménagement ou de travaux lors de l’installation dans le nouveau logement et un accompagnement individualisé pour la centaine de familles concernées, en fonction de leurs attentes et de leur capacité financière.

Dans le quartier Mermoz, le relogement s’est fait d’autant mieux que 80% des habitants ont demandé à être relogés hors site (à cause notamment des problèmes de trafics de stupéfiants et d’insécurité du quartier). Les réunions individuelles avec le bailleur Grand Lyon Habitat et la gestion du relogement par l’Office public d’aménagement et de construction (OPAC) du Grand Lyon ont permis de respecter presque tous les choix des habitants. Certains ont été relogés à Confluence, la plupart à proximité du quartier dans le 8ème, le 7ème et le 3ème arrondissements.

Cependant, ces dispositifs ne suffisent pas toujours pour éviter les heurts. Ainsi les relogements des ménages de La Duchère sont beaucoup plus conflictuels malgré un protocole signé entre les bailleurs. En effet, seuls 40% des habitants ont demandé à être relogés ailleurs, la plupart souhaitant rester dans un quartier qui est plus attractif depuis le début de la rénovation urbaine et dans lequel la communauté, constituée essentiellement de rapatriés d’Algérie, d’immigrés d’Afrique du Nord et de leurs descendants, semble avoir tissé des liens solides. Or, le dogme du rééquilibrage cache des enjeux fonciers importants, et la priorité ne semble pas aller au relogement sur place des habitants pourtant attachés à leur quartier. Les dispositifs d’accession « sociale » à la propriété ne permettent qu’à la frange supérieure des locataires du parc social de devenir propriétaires : l’accession ne concerne ainsi qu’1% des 496 familles de la Duchère relogées entre 2003 et 2009 selon la Mission Lyon La Duchère chargée d’analyser le processus de relogement. En outre, la reconstitution du parc social dans ce quartier privilégie le logement social classique (PLUS) et intermédiaire (PLS) au détriment du logement très social, avec seulement 19 PLAI sur 303 reconstructions au total. L’offre de logements semble s’adresser à des populations plus aisées, l’attractivité nouvelle de ce quartier pouvant conduire à sa gentrification.

 

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