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Département de Géographie

École normale supérieure

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Une culture internationale pour le Havre ?


Un port historiquement créateur d’une culture internationale

Les relations entre le Havre et le monde sont liées à l’histoire et ont créé une « culture internationale » ancienne dans la ville. En effet, le transport de passagers, notamment transatlantique, et les escales longues favorisaient la diffusion d’éléments culturels étrangers dans la ville.
La ligne Le Havre-New York, ouverte en 1864 et gérée par la Compagnie Générale Transatlantique, était un axe privilégié pour relier l’Europe à l’Amérique du Nord, même si des liaisons existaient déjà entre les deux rives de l’Atlantique depuis les années 1820. Cette ligne a continué de fonctionner jusqu’aux années 1970. La présence des passagers et leurs allers-retours ont donc, pendant plus d’un siècle, marqué la ville dans ses activités ou encore sa toponymie. On peut ainsi repérer dans la ville des traces, mémoires ou héritages témoignant de cette période et de cette culture internationale.
La toponymie est en effet marquée par les destinations anciennes desservies par le port du Havre : le quai de Southampton et le quai de New York rappellent la liaison Transatlantique, les quais des Antilles ou de la Martinique rappellent d’autres liaisons vers les Caraïbes. Les noms des commerces, notamment des restaurants, font aussi référence à ce passé en mentionnant les États-Unis. Il existe donc dans la ville un héritage d’une culture internationale liée à l’histoire du port et aux relations transatlantiques qui positionne le Havre par rapport au reste du Monde.
Le transport de marchandises marque également la ville et participe à rappeler sa relation avec le reste du monde. Certaines marchandises, comme le café, sont traitées sur place, comme le café torréfié aux abords du port : l’odeur du café, assez forte dans la ville, rappelle cette activité et les relations qui lient le Havre au reste du monde.

Des héritages des relations transatlantiques - Source : I. Siffert (octobre 2014)

 

 

Le raccourcissement des escales et la quasi-disparition du transport de passagers au port du Havre a changé ce rapport au monde. Le transport de marchandises s’est développé fortement, et le port s’est adapté à la conteneurisation. La rationalisation des arrivées et des départs des navires dans le port a fortement réduit le passage par la ville des marins ou des éventuels croisiéristes de passage. Les échanges culturels sont de ce fait amoindris, car les personnes qui transitent par le port ne vont plus fréquenter la ville. Ainsi, le port s’est peu à peu fermé sur lui-même et s’est coupé de la ville : la relation au monde semble dorénavant toucher surtout le port et concerner des échanges marchands.

 


Les acteurs locaux cherchent à revaloriser les connexions de la ville au monde

Les acteurs locaux, et en particulier ceux en charge de l’aménagement du territoire, cherchent aujourd’hui à revaloriser cette ouverture sur le monde permise par la situation portuaire de la ville. Cela passe dans un premier temps par le dépassement de la rupture pouvant exister entre la ville et le port. Ainsi, lors d’une visite réalisée avec Boris Menguy, chef de projet pour l’AURH, sur les quais du port, ce dernier a expliqué qu’une des missions actuelle de l’agence était d’encourager les entreprises et les acteurs du port à retourner la devanture de leurs bâtiments vers les quais et non plus vers les plateformes de stockage de conteneurs. L’objectif est de participer à la revalorisation de ce quartier du port dont il s’agit d’améliorer l’accès pour les touristes et les habitants de la ville du Havre (cf. rapport d’activité 2013 de l’AURH, p15).
L’amélioration de la connexion entre la ville et le port passe donc non seulement par l’ouverture du port au public, mais également par la réhabilitation de certains quais et de certaines friches portuaires et par la transformation de leurs usages. On peut penser à l’émergence d’un campus universitaire au niveau du bassin de l’Eure à proximité du centre-ville, qui comprend notamment aujourd’hui Sciences Po Paris, l’INSA, un IUT et une antenne de l’ENSM, ou encore à la création du Centre commercial des docks Vauban.

L’antenne de ENSM (Ecole Nationale Supérieure Maritime) dans le quartier des Docks - Source : J. Chouraqui (octobre 2014)

La ville du Havre cherche à valoriser son héritage portuaire et industriel, et dans ce cadre les thèmes de la mobilité, du voyage et de l’ouverture sur le monde constituent des arguments de marketing territorial importants. Lorsque nous avons rencontré le directeur du pôle Asie de Sciences Po implanté au Havre, celui-ci nous expliquait ainsi que l’ouverture du port sur le monde, et en particulier la relation préférentielle de ce dernier avec les ports de l’Asie pacifique, avait constitué un argument essentiel dans le choix opéré par l’école de s’implanter au Havre et non pas dans une autre ville. Dans une autre logique on peut aussi penser aux choix réalisés quant à la thématique de certains aménagements urbains comme par exemple celui des Jardins Suspendus au sein de l’ancien fort de Sainte Adresse au nord de l’agglomération. En effet sur la planche de présentation des jardins (intitulée « Le monde entier dans un jardin ») on peut lire qu’en 2005 « la ville du Havre a décidé de réhabiliter ces lieux pour y créer un vaste jardin dédié au voyage des plantes à travers les océans ».

On retrouve aussi cette valorisation d’un rapport privilégié à l’international dans la communication réalisée autour de certains évènements. Ainsi en clôture du « LH forum », un cycle de conférences sur l’économie positive organisé tous les ans dans la ville et regroupant des intervenants du monde entier, Edouard Philippe, le maire du Havre, disait ceci : « Le Havre et son port sont un modèle de diffusion et d’échanges à travers le monde ; nous allons pouvoir encore continuer dans ce sens puisque le LH Forum reviendra en 2015 (…) ». La Transat Jacques Vabre, autre évènement annuel, valorise également l’insertion du Havre dans un réseau d’échange international. Cette course, aussi appelée « Route du Café », relie en effet le Havre à une ville exportatrice de café. La connexion actuelle ou historique du territoire au reste du monde est donc une constituante essentielle de l’image de la ville produite par les acteurs locaux et en particulier la municipalité.
Enfin, le Havre est aussi connectée au monde du fait de sa participation à une culture universelle et non pas seulement du fait de son insertion dans des réseaux d’échanges internationaux. Il s’agit là peut-être d’un argument de marketing territorial encore plus puissant pour les acteurs locaux. En effet la ville est une des quatre villes modernes du monde (avec Brasilia, Tel Aviv et Chandigarh) et elle a ainsi été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2005. Par ailleurs Le Havre est aussi considéré comme le berceau de l’impressionnisme et c’est dans le cadre d’une valorisation de cet héritage que le MuMa (Musée André Malraux) a été réalisé en 1961.

 


Des stratégies qui correspondent à la reprise de modèles internationaux

L’ensemble des aménagements et des discours que nous venons d’évoquer correspond globalement à un changement d’orientation dans le modèle de développement de la ville. Celle-ci ne veut plus reposer exclusivement sur l’activité industrielle et portuaire et souhaite mettre l’accent sur des politiques valorisant le tourisme et la culture et favorisant la tertiarisation du territoire. A partir de ce constat on peut alors évoquer un dernier aspect des rapports entre Le Havre et le monde : l’inscription de la ville dans des réseaux d’échanges internationaux peut aussi se lire du point de vue de la diffusion des modèles de développement urbain.
En effet les stratégies de développement adoptées au Havre correspondent en partie à la reprise de principes régulièrement déclinés à travers le monde dans les villes portuaires en reconversion. La création du Centre commercial des docks Vauban, l’ouverture des quais au public ou encore la réalisation du Jardin Fluvial s’inscrivent bien dans une logique de reconversion des friches industrielles et portuaires en espaces récréatifs et commerciaux, à l’image de ce qu’on a pu observer lors de grandes opérations de réhabilitation des waterfronts (fronts d’eau) qui ont fait école, comme à San Francisco dans les années 1970 (exemple de Ghirardelli Square), ou encore un peu plus tard à Londres (exemple du quartier des Docklands, cf. Chaline C., 1988.). De même, la réalisation d’édifices tels que la résidence universitaire « A’Dock » en 2010 ou les Bains des docks construits en 2008 par l’atelier Jean Nouvel, peut être rapprochée de ce qu’on a pu observer récemment à Bilbao avec la construction du musée Guggenheim et dans le cadre d’une politiques de ré-articulation des rapports ville-port. La construction de ces bâtiments à l’architecture remarquable vise en effet à favoriser la fréquentation du lieu dans lequel ils sont implantés et donc à dynamiser le développement du quartier.

La résidence universitaire A’Dock - Source : I. Siffert (octobre 2014)


 

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